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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tique des bénédictins français, de l’Art de vérifier les dates, etc., mais il m’a toujours semblé que le grand œuvre des Bénédictins était leur abbaye du Mont-Saint-Michel !…[1].

À quelques centaines de toises du Mont, on aperçoit une sorte d’îlot sablonneux qui reste à fleur d’eau, et qui s’appelle Tombelène. On y voit les débris d’une construction gigantesque en quartiers de roches brutes, et la tradition rapporte que c’était un sépulcre pour les Druides. C’est là que se trouve aujourd’hui le cimetière des religieux et des Montois.

Au pied de la montagne et du côté de l’occident, il y a sur la pointe d’un roc une petite chapelle de la Sainte Vierge, où les navigans affluent toujours en arrivant de leurs voyages au long-cours. La

  1. Depuis le départ des religieux, en 1792, l’abbaye du Mont-Saint-Michel a subi des dégradations les plus affligeantes. L’hospice des pèlerins et l’hôtel abbatial ont fini par s’écrouler. On a cru devoir utiliser l’église, en la distribuant en ateliers, qui sont construits à plusieurs étages dans toute la hauteur de ce noble édifice. On n’a voulu réserver pour l’usage du culte que le chevet du chœur, où l’on est assourdi par le bruit des limes et celui des coups de marteau. Le cloître est également utilisé par d’infâmes constructions qui le divisent en grandes salles de travail et en petites cellules. La plupart de ces belles arcades ont été bouchées et maçonnées jusqu’à la clé de l’ogive. On a rempli de gravois cimenté les mâchicoulis des remparts. On a rasé les créneaux pour élever de petites murailles exhaussées et destinées à masquer la vue des prisonniers. Enfin, on a fait abattre le grand clocher pour utiliser la plate-forme de la tour majeure, et la statue dorée du protecteur archangélique s’y trouve remplacée par un télégraphe.
    (Note de l’Éditeur.)