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SOUVENIRS

roses de vitraux bien épanouies. Le maître-autel, qui recouvre la châsse de Saint-Paterde, Évêque d’Avranches, est entièrement revêtu d’argent massif, ainsi que le tabernacle et ses gradins, qui supportent une belle figure émaillée de l’ange exterminateur. Benvenuto Cellini n’a jamais rien produit de plus éclatant, de plus poétiquement chimérique et de plus finement ciselé que la figure du dragon qui s’enroule et se débat sous les pieds de l’Archange. On voit à la naissance de la voûte, autour du chœur et de l’abside, les armoiries coloriées avec les noms de tous les gentilshommes de Normandie qui militèrent avec Guillaume-le-Conquérant pendant les années 1066 et 1067. Il est aisé, d’y vérifier qu’il ne reste guère de ces anciennes familles en Angleterre. On nous y parla mystérieusement d’une singulière entreprise de corruption, tentée par un duc de Sommerset, à dessein de faire ajouter à ces inscriptions-là, celle du nom de Seymour ou Saint-Maur, qui, faisait-il dire, avait été primitivement celui de sa famille, et qu’il aurait désiré voir figurer parmi les compagnons de Guillaume-le-Conquérant, afin d’autoriser la prétention qu’il en avait. Cette injurieuse proposition fut accueillie comme elle méritait de l’être, et vous pensez bien que les Seymour en ont été pour leurs frais d’ambassade au Mont-Saint-Michel. Il fallait bien être le petit-fils d’un pédant parvenu, tel que le tuteur d’Edouard VI, pour imaginer qu’on pourrait faire inscrire un faux, à prix d’argent, par des religieux catholiques et par des gentilshommes français, dans une église de France, dans le sanctuaire d’une abbaye royale !…