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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

immense rocher pyramidal, dont la base est entourée de hautes murailles crénelées, avec des tours en saillie. Les flancs du rocher sont incrustés de petits édifices gothiques, entremêlés avec des pins, des figuiers, des lierres et des chênes-verts ; et la montagne est couronnée par une masse de bâtiments de la construction la plus mâle, au-dessus desquels on voit dominer une basilique imposante avec son campanile et ses beffrois aigus. Le pinacle de l’édifice est d’un travail si riche, et néanmoins si léger, qu’on n’a jamais rien vu de pareil, à moins que ce ne soit dans ces gravures anglaises qu’on pourrait appeler de belles infidèles, ainsi que les traductions de Perrot d’Ablancourt. On voyait reluire au sommet de ce pinacle une grande statue dorée qui représente l’Archange Saint-Michel, et qui tournait sur un pivot d’après la direction des vents. On nous dit que le mouvement et l’agitation de cette image, dont l’épée flamboyante a l’air de défier et d’écarter la foudre, avait quelque chose de prodigieux pendant les orages et dans cette région, des tempêtes. On nous a montré le manuscrit d’une prophétie de l’Abbé Richard de Toustain, qui prédisait la ruine de son abbaye lorsque la même statue serait renversée[1].

Je laissai nos bonnes religieuses réciter leurs litanies des SS. Anges, tandis que je ramassais des coquilles et des petits cailloux roulés de mille cou-

  1. Cette image, qui datait du douzième siècle et qui avait été érigée par l’abbé Rainulfe de Villedieu, a été pulvérisée par un coup de tonnerre en l’année 1788.
    (Note de l’Éditeur)