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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

mençait à s’en inquiéter dans la famille, et le reste de la compagnie s’en impatientait. Il est à savoir aussi que le maître du château n’avait jamais vu cette tante de sa femme, et que celle-ci n’avait pas revu sa vieille parente depuis l’âge de cinq à six ans, ce qui fit naître l’envie d’organiser une attrape.

Il se trouvait dans la troupe facétieuse un petit M. de Clermont d’Amboise, lequel aurait bien voulu m’épouser quelques années après, soit dit en passant, mais la reconnaissance que je lui dois ne saurait m’empêcher de vous dire que c’était un vilain petit chafouin jaune[1]. On imagina de le déguiser en vieille dame ; un autre jeune officier devait s’habiller en femme de chambre, et sur toute chose, on avait eu grand soin de dissimuler les préparatifs de ces déguisemens, qui ne devaient être connus que de trois à quatre personnes, mais qui furent divulgués par une femme de chambre à un godelureau de la société. On organisa ruse contre ruse, et l’on s’arrangea pour mystifier les mystificateurs ; ainsi, tandis qu’on était aux aguets pour les accueillir en les houspillant et les bousculant de la plus belle manière, arriva la véritable Intendante, sur laquelle on se précipita comme une avalanche, à laquelle on arracha sa mantille à falbalas, son collet monté, sa cornette avec sa perruque, enfin qu’on maltraita si cruellement, que la chose en fait horreur à penser ! La mal-

  1. Jean-Baptiste-Louis de Clermont d’Amboise, Marquis de Resnel et de Montglas, Comte de Chéverny, etc. Il épousa, en 1722, Henriette de Fitz-James, fille ainée du Maréchal-Duc de Berwick, et Dame du Palais de la Reine.
    (Note de l’Auteur.)