Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

rôti se fabriquait chez lui comme au xiiie siècle, au moyen d’une roue tournante et à claire-voie, dans laquelle on enfermait un gros chien qui s’y démenait comme un diable, et qui finissait toujours par en enrager. Vous n’avez pas d’idée de la consommation de caniches et de mâtins qu’on faisait dans cette cuisine. La Comtesse était obligée de se faire servir par un heiduque ou par des laquais, ce qui fait qu’elle s’habillait et se déshabillait toute seule. Il avait chassé toutes ses femmes, en disant que c’étaient les femmes de chambre qui donnaient des puces aux chiens. Mlle des Houlières ne tarissait pas sur toutes les folies de ce pauvre Comte.

C’était pendant son séjour à Canaples que la bête du Gévaudan, qu’on suivait à la trace du sang depuis son passage à Marjevols, et qu’on poursuivait inutilement depuis quatre mois, vint s’établir et se terrer dans le vieux cimetière du Freschin, où elle faisait des dévastations les plus dégoûtantes (M. de Buffon avait arrangé, long-temps après, que ce devait être une hyène d’Afrique, échappée d’une ménagerie ambulante qui se trouvait pour lors à Montpellier ; mais, d’après la description que nous en fit Mlle des Houlières, qui l’avait vue, je suis persuadée que ce devait être un loup-cervier). Cette horrible bête avait dévoré les deux enfans du capitaine des chasses de votre oncle, lorsque celui-ci prit la détermination d’aller se poster à l’affût dans le cimetière du Freschin, où cette bête immonde allait se réfugier toutes les nuits, en s’élançant pardessus les murailles. Il est assez connu que ce fut le