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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

nition d’une petite fille impatiente et curieuse ! Je restai trois fois vingt-quatre heures sans apprendre aucune nouvelle de nos voleurs. Ma tante se divertissait beaucoup d’avoir imaginé cette punition-là.

On avait trouvé dans cette cave, où couchait l’estropié, plusieurs lames de grands couteaux ou de poignards, ainsi qu’un rouleau de 60 louis d’or, qu’il avait caché sous des fagots. On trouva parmi ses guenilles un reliquaire en filigrane, appartenant à Mademoiselle de Beuvron, un Agnus-Dei, deux hosties et des ciseaux d’or, avec une grande quantité de cheveux de toutes les nuances de couleur, ce qui fit supposer qu’il aurait eu des intelligences avec quelque personne à l’intérieur du couvent, où, depuis l’arrivée de ma tante, on avait mis toutes les religieuses, les novices et les pensionnaires, en coupe réglée. On n’a jamais découvert comment il avait fait pour se procurer de nos cheveux, que nos sœurs converses faisaient toujours vendre à la foire de Guibray, au profit de la confrérie du Saint Rosaire ; mais tout donne à penser qu’il voulait s’en servir pour nous faire quelques maléfices. On fit brûler sur-le-champ les deux hosties, dans la frayeur qu’elles ne fussent consacrées et pour les mettre à l’abri de toute profanation.

Il est résulté de ce long procès qu’à dix heures du soir, le 4 novembre 1712, cet homme, étant placé sous un arbre et sur le bord du grand chemin, avait demandé l’aumône, avec une voix piteuse et suppliante, à ce même fermier qui revenait de la foire de Caen, et qu’il lui avait demandé notamment de vouloir bien s’approcher tout contre,