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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

mains d’autres voleurs. Mme la Prieure avait fait répondre qu’il était trop tard. On fut réveiller Mme l’Abbesse, qui fit ordonner d’ouvrir toutes les portes qui pourraient être désignées par le brigadier, en dehors des limites claustrales ; mais la vieille Bénédictine s’opiniâtra si fortement dans sa règle, et se retrancha si bien dans ses constitutions, que ma tante se vit obligée de se lever pour aller lui prendre les clés dont elle ne voulait pas se dessaisir. Comme une Abbesse de Montivilliers n’est pas rigoureusement astreinte à la clôture, ma tante, qui était parfaitement charitable et courageuse, crut devoir sortir jusque dans la première cour, et ce fut avec un cortège convenable à sa dignité, toutefois. Elle avait un porte-croix qui la précédait entre deux acolytes qui tenaient des cierges ; elle était suivie par une douzaine d’Assistantes, en voile abattu et les mains croisées sur la poitrine ; enfin toutes les sœurs converses du monastère étaient rangées autour de leurs Dames, avec leurs grandes chapes grises et portant de longues torches allumées, dans ces belles verrines gothiques qui représentent les armoiries des abbayes royales en vitraux de couleur, et qui servent pour les processions nocturnes autour du cloître. Je n’ai rien vu dans les nouveaux romans qui fût aussi romantique que cette scène nocturne, et qui fût aussi pittoresque, surtout.

Madame de Montivilliers fit d’abord ouvrir les portes de la prison, ce que toute autre personne n’aurait osé faire en dépit de la Prieure. Elle fit donner un asile et des cordiaux à ce brave métayer. Elle fit examiner, par son chirurgien, l’individu blessé