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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

rejettent le royaume du ciel, consiste peut-être à les laisser pénétrer dans les secrets du royaume des ténèbres.

— Vous me semblez une étrange fille, me disait l’Abbesse, et comment se fait-il que vous restiez si tard et si tranquillement dans nos caveaux ?

— Mais, ma Tante, comment pourrait-on s’effrayer de saintes âmes ! et que voudriez-vous que me fissent des Abbesses, si ce n’est de me donner leur bénédiction ? Oh ! si c’était des Chevaliers, des Écuyers ou des Moines que je n’aurais jamais ni vus ni connus, j’en aurais certainement des frayeurs extrêmes ! Mais je n’ai pas voulu prendre au sérieux l’histoire de la grande d’Houdetôt, qui m’a dit avoir reçu un fameux coup de crosse…

— Et de qui donc ?

— Mais… de Madame de Gonzague un jour qu’elle avait approché de sa tombe…

— Voilà encore une belle ânerie de Mademoiselle d’Houdetôt, répondit ma tante, et c’est précisément une statue qui n’a pas la crosse à la main ! Je ne dis pas si c’était son bréviaire, qu’elle aurait bien dû lui jeter à la tête ! Mais voyez donc l’irrévérence et la maladresse de cette invention, et voyez un peu la belle menteuse !….. Je vous défends d’écouter ses histoires et d’aller jamais causer avec elle !

J’éprouvais dans cette imposante chapelle un sentiment de rêverie mélancolique, avec des momens d’un attendrissement ineffable et comme une sorte de saisissement respectueux et doux, en pensant que c’était dans cette enceinte si paisible, si noblement