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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

des nouvelles de M. de Louvois, dont il attendait toujours la grand’croix de Saint-Louis, ou bien de Mademoiselle de Lenclos, qu’il avait beaucoup aimée. Le Président d’Ormesson, qui était un subtil et pointilleux personnage, avait essayé de lui faire entendre que le Marquis de Louvois, l’ancien ministre, ne vivait plus depuis l’année 1691, et que la célèbre Ninon devait être morte en 1706, je crois. Mais ils se brouillèrent dans la discussion qui s’ensuivit, et c’est un résultat dont nous fûmes charmés, attendu que ce vieux d’Ormesson nous avait toujours semblé le plus ennuyeux des parlementaires. Le Grand Prieur envoyait aussi quelquefois chercher M. Fagon pour le consulter sur son manque de forces ou son défaut d’appétit. On lui répondait toujours qu’il était mort la veille, et il recommençait le lendemain. Il ne manquait jamais d’écrire au Révérend Père Le Tellier, pour le complimenter sur la nouvelle année, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’il lui demandait encore l’assistance de ses conseils et de ses prières, contre des tentations qui n’étaient pas du tout celles de son âge… Ce n’était pas une affaire de rabacherie décrépite ; car il entrait dans les détails les plus juvéniles et les plus résolument exprimés ; mais comme ces lettres confidentielles avaient une sorte de caractère sacramentel, il avait été convenu qu’on les brûlerait dorénavant sans les ouvrir, et c’est une décision qui me fit de la peine. Sur toute autre chose antérieure à ladite année 1690, il était resté d’une raison parfaite et parlait toujours comme un bon livre. Il a fini sans aucunes souffrances, en nous disant de le recomman-