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SOUVENIRS

et M. de Crillon s’en est vanté, du moins ; ce qui donna lieu d’observer qu’il en pouvait avoir en provision parce que le grand-père de sa mère en était marchand. Je vous dirai qu’autrefois les exigences de la mode et du bel air n’étaient pas moins dispendieuses que certaines obligations du rang et du cérémonial ; j’ai ouï dire à Mme de Coulanges qu’elle avait fait acheter en Bourgogne pour plus de dix mille francs de cheveux blonds pour le compte de M. le Duc de Berry, pendant le cours d’une seule année, et tout le monde a su que M. le Régent payait cent cinquante louis pour chacune de ses perruques[1].

Cette première visite à l’hôtel de Lesdiguières où nous devions recevoir la bénédiction nuptiale, avait eu lieu pendant l’avent de Noël ; ainsi, rien n’aurait empêché que nous ne fussions mariés avant le carême ; mais il arriva que ma tante de Breteuil-Sainte-Croix vint se jeter à la traverse en nous parlant de son mariage avec le Marquis de la Vieuville. C’était une affaire urgente à cause de l’âge du futur ; il aurait été fatigant et peut-être ridicule de procéder en même temps et dans la même famille à deux mariages aussi discordons ; il était convenable de me faire céder le pas à ma tante, et voilà notre mariage encore ajourné jusqu’après Pâques, en dépit de M. de Créquy.

Le lendemain du jour de ses noces, il arriva que

  1. Voyez, relativement au prix des cheveux blonds, les lettres de la Dsse de Beauvilliers au Mis de Louville. Mémoires de Louville, tome 1.
    (Note de l’Éditeur.)