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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Depuis la perte de son aimable fils et depuis la mort de l’Archevêque de Paris, M. de Harlay, qui n’était pas moins aimable à ses yeux, cette fameuse Duchesse n’était plus sortie de l’enceinte de son grand palais, dont la chapelle est encore ouverte au public et dont les jardins étaient d’une immense étendue. Les chantiers de l’arsenal en occupent maintenant la plus grande partie, et ce fut le Premier Président d’Ormesson qui s’accommoda du reste après la mort de votre tante, moyennant une petite somme de deux cent soixante mille écus, ce qui fit crier tout Paris sur un pareil acte d’ambition vaniteuse et de gloriole parlementaire. Une salle de cette habitation plus que royale était garnie de tentures à fond d’or, ouvragées avec des arabesques en perles de nacre et de corail : ainsi jugez du reste des meubles ! La plupart étaient en argent massif et magnifiquement ciselés des plus hauts-reliefs surdorés ; ce que la Duchesse Marguerite avait soustrait à l’édit fiscal de 1703, en les faisant racheter à l’hôtel des Monnaies pour le même poids en écus ; ce qui fut approuvé généralement, parce que son fils vivait encore et qu’elle était sa tutrice.

Vous dire ici les précieux tableaux et les riches tentures, les vases et les girandoles en cristal de roche, et la quantité des meubles de Boulle, et les anciens bronzes, et les marbres rares, et les bijoux inestimables, et la profusion des joyaux, autant vaudrait vous copier l’ancien Mémorial du Louvre ou le catalogue de la Sagristica Vaticana ! Le Saint-Simon n’en a rien dit de trop dans ses Mémoires, et pour en finir sur les somptuosités de l’hôtel de Lesdiguiè-