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SOUVENIRS

diguières. Il avait été convenu que son cousin la ferait appeler au parloir et qu’on aurait soin de nous y faire demander en même temps par la Duchesse de Valentinois, qui logeait en face de l’Abbaye. Nous y trouvâmes le Marquis de Créquy, lequel était en conférence avec sa religieuse, à l’autre bout de la même grille, et lequel se contenta de nous saluer profondément. Il regarda plusieurs fois de notre côté d’un air très-noble ; mais ce fut avec une si parfaite mesure que Mlle de Preuilly ne se douta de rien. Je n’avais eu besoin que de jeter un coup d’œil sur lui pour que ma décision fût prise. Il attendit que nous fussions parties pour s’en aller, ce qui était encore une affaire de coutume[1] ; mais il se trouva que mon futur avait pris Mademoiselle de Preuilly pour Mademoiselle de Froulay, en me prenant pour ma cousine Émilie, ce qui le refroidit dans sa poursuite et l’arrêta dans ses négociations, tellement qu’on imagina que le mariage ne pourrait s’effectuer. J’en étais bien affligée ; (pourquoi n’en conviendrais-je pas avec mon petit-fils, puisque je l’ai dit si franche-

    dans les procès, parce que son père lui avait donné la seigneurie du canal de Briare, pour sa dot, et que la pauvre femme avait des voisins par milliers.

    (Note de l’Auteur.)

  1. Il était sous-entendu que la jeune personne et ses parentes étaient entrées au couvent pour y passer quelques jours en retraite de dévotion, d’où venait qu’elles ne recevaient au parloir que la visite d’une seule femme qu’on avait toujours eu soin d’avoir choisie parmi les plus dévotes et les plus discrètes. Si les deux parties ne s’agréaient pas, on restait quelques jours enfermé chez soi pour dérouter les curieux, et jamais les intéressés ni leurs parens n’auraient eu l’indiscrétion de rien dévoiler sur le motif de leur entrevue.
    (Note de l’Auteur.)