Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

la demande en question ; ma grand’mère hésita la valeur d’une minute. — Assurément oui, ma charmante, et pourquoi donc pas ?… répondit-elle avec un air de contrariété qui me donna matière à réfléchir sur l’importance et la mystérieuse intention de cette visite.

La Marquise douairière était toujours d’avis de s’en tenir aux anciennes coutumes ; sa première entrevue pour son mariage avec mon grand’père avait eu lieu à travers la grille d’un parloir à Bellechasse. Il était bienséant, il était indispensable, à ses yeux, d’en agir avec M. de Créquy comme si je n’étais pas encore sortie du couvent.

Nous voilà donc à Panthemont, dans l’intérieur de la clôture, en vertu d’un permis du Cardinal de Noailles, et nous commençons par aller faire des visites à Mme l’Abbesse, à la Coadjutrice, à la Prieure et à Mme Guyon qui se trouvait là par lettre de cachet[1]. La Prieure était Mme de Créquy-Les-

  1. Jeanne-Marie le Bouvier de la Mothe de Suroy, veuve de Messire Thomas Guyon, Chevalier, Seigneur de Dizion, du Chesnoy, de Montlivault, de Saint-Dyé-sur-Loire et autres lieux. Un janséniste aurait dit que cette malheureuse personne était prédestinée pour la prison ; elle avait passé la meilleure part de sa vie dans le château de Vincennes et à la Bastille, et de plus elle venait d’être impliquée bien mal à propos dans je ne sais quelle affaire entre l’Évêque de Blois et les curés de son diocèse. M. le Régent lui rendit la liberté de s’en retourner dans ses terres du Blaisois, où elle mourut l’année suivante, et où sa postérité subsiste encore sous le nom de Montlivaut. C’était la plus patiente, la plus modeste, la plus doucement dévote et la plus belle vieille femme qu’on ait jamais vue. La Duchesse de Sully, sa fille, était moins patiente et moins résignée. Elle a passé toute sa vie