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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

rente annuelle de dix écus. Il y a pourtant quelque difficulté dans cette anecdote ; d’abord les Noailles qui possédaient, depuis le XIIe siècle, la terre et le château de leur nom dans la vicomté de Turenne, avaient toujours eu, pour le moins, autant de puissance féodale et de haut patronage que les Montmorin. Ensuite, le Seigneur de Noailles, en l’année 1593, était déjà Comte d’Ayen, qualification magnifique et très-rare au XVIe siècle, tandis que les Seigneurs de Montmorin n’étaient pas encore sortis de leur bourgade ou de leurs vieux castels. Enfin l’histoire de la rente annuelle est un mensonge, et personne n’a jamais vu la tapisserie ni le tableau, qui n’ont jamais existé. Il faut vous dire que les Montmorin avaient toujours été les gens de qualité les plus misérables, et dans les établissemens les plus chétifs et les plus dépenaillés de la terre salique ; aussi, quand on voulut mettre en circulation cette belle histoire, je me souviens que le Roi Louis XV avait dit : — Est-ce qu’il y a jamais eu telle chose que des tapisseries, chez les Montmorin ? Le feu Roi connaissait très-bien toute sa noblesse, et c’est à cause de cela qu’il avait les prétentions carlovingiennes à souverain mépris. — Nous avons eu bien de la peine à prouver, me disait-il un jour, que nous descendons de Robert-le-Fort, et l’on voudrait qu’un malheureux hobereau, mangeur de chèvre, établit qu’il est issu de la première maison d’Aquitaine ? Allons donc, ces gasconnades-là font pitié ! Le Roi, mon grand-père, ajouta-t-il ensuite, avait fait brûler par la main du bourreau la généalogie des princes lorrains qu’on