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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

thon mariné de la grande écurie, avec deux autres naturalistes du jardin du Roi. Mme la Chancelière, qui faisait la dévote, ambitionna beaucoup cette distinction-là ; mais le comte de Buffon répliqua noblement qu’il ne s’était dérangé pour Mme la Comtesse de Brionne que parce qu’elle était Grand-Écuyer de France et Princesse de la maison royale de Lorraine ; ainsi la Chancelière en fut pour ses frais d’inquiétude, et voici pour les Talleyrand ce qu’il en arriva.

Malgré la droiture et l’innocence de leurs intentions, le Chevalier de Montbarrey vint à bout de leur persuader, pour se moquer d’eux, qu’ils se trouvaient en cas réservé, et voilà qu’on expédie bien vite à Paris le jeune Abbé de Talleyrand, pour aller confier à l’Archevêque. M. de Beaumont, que son père et sa mère (c’est de l’Abbé dont il s’agit) avaient mangé du lapin pendant tout le carême, qu’ils en avaient l’abomination de la désolation dans les entrailles, et qu’ils conjuraient et adjuraient M. l’Archevêque ou son Grand-Pénitencier de les relever de l’interdiction des sacremens, qu’ils avaient encourue sans se douter de rien, ipso facto, comme leur disait Montbarrey. Ce qu’il y avait de plus ridicule dans la pétition, c’est que leur affaire ne pouvait concerner en aucune façon l’Archevêque de Paris, attendu que Versailles est du diocèse de Chartres ; mais le Chevalier leur avait persuadé que c’était une de ces causes réservées pour l’officialité métropolitaine, afin d’augmenter leur inquiétude et de compléter la mystification.

M. l’Abbé resta sept ou huit jours à Paris sans