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SOUVENIRS

Duchesse douairière de Ventadour, Gouvernante de S. M., personne admirablement bien appropriée pour la circonstance, en ce qu’elle était prodigieusement formaliste, étonnamment sérieuse, et parfaitement absolue, de son naturel. Nous l’appelions la mère aux adverbes[1].

Le costume du Roi consistait dans une petite jaquette à plis et à manches pendantes en drap violet[2] ; il était coiffé d’un simple béguin de crêpe violet qui paraissait doublé de drap d’or. Il avait des lisières qui tombaient par derrière jusqu’au bas de sa robe. Mais ceci n’était que pour marquer son âge, car on savait très-bien qu’il marchait tout seul et qu’il aurait pu courir comme un Basque. Je vous dirai que les lisières de S. M., qui se croisaient sur ses épaules, étaient en drap d’or, au lieu d’être en étoffe pareille à la robe ; et je pense que Madame de Ventadour avait calculé que des lisières devaient toujours paraître en hors-d’œuvre dans le costume d’un Roi. Son cordon bleu suspendait la croix de Saint-Louis avec celle du Saint-Esprit, et ses beaux cheveux bruns, naturellement frisés, tombaient sur ses épaules en boucles flottantes. Il était d’une

  1. Charlotte-Angélique de la Mothe-Houdancour, veuve de Louis de Lévis-Lautrec, Duc de Ventadour. Elle était la tante de ma belle-sœur et la sœur de ma tante de la Ferté. Elle mourut en 1754, par un coup d’apoplexie qui lui provint d’une piqûre de guêpe à la tempe.
    (Note de l’Auteur.)
  2. Il est assez connu que les Rois de France portent le deuil en violet, il en est ainsi des Cardinaux : perche sono porporati, disent les Italiens, parce qu’ils sont empourprés comme les Rois.
    (Note de l’Auteur.)