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SOUVENIRS

communion. Tout le monde savait que depuis un grand nombre d’années le Roi communiait exactement le samedi de la semaine sainte, à la messe de minuit, à la Toussaints, la veille de la Pentecôte et le jour de l’Assomption. Tous ces malades, qui pour la plupart étaient de pauvres enfans scrofuleux, accompagnés de quelque malheureux parent, étaient arrivés ponctuellement pour la fête du 15 août de cette année, au nombre de cinquante à soixante personnes. Mais il n’était plus question pour le Roi de pouvoir endosser le grand costume de l’ordre du Saint Esprit, ni de pouvoir descendre en cérémonie pour aller communier à la sainte table de sa chapelle : on touchait à la fin du mois, et comme on n’espérait plus que le Roi sortît de sa chambre avant sa mort, le Curé de Notre-Dame de Versailles avait recueilli toutes ces malheureuses gens dans son presbytère, et puis, il avait écrit au Grand Aumônier pour en obtenir les moyens de les renvoyer charitablement chacun chez eux. C’est ainsi que le Cardinal avait appris la chose, et tout aussitôt que le Roi fut averti de cette affluence, il ordonna qu’on introduisit le lendemain tous les malades auprès de son lit, à quatre heures du matin. L’Évêque de Chartres[1] conduisit tous ces enfans deux à deux jusqu’au milieu de la chambre, et c’était le Cardinal Grand Aumônier qui

  1. L’Évêque de Chartres était alors Messire Charles-François des Montiers de Mérinville Abbé-Commandataire et Seigneur-Châtelain du Mont-Saint-Michel, Prieur et Seigneur de Beaugency, Commandeur de l’ordre de Saint-Lazare, etc. Il n’est mort qu’en 1746.
    (Note de l’Auteur.)