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SOUVENIRS

vint s’établir à Paris au Palais-Cardinal, où tout le monde afflua pour le complimenter. Il nous apprit que le courage du Roi n’avait jamais faibli jusqu’à la fin de sa vie. Les aubades de sa musique guerrière avaient continué par son ordre, sous les fenêtres et à l’heure habituelle du réveil de S. M. jusqu’à la vigile de sa mort ; tandis que les soixante musiciens de sa chambre étaient venus se concerter journellement dans la petite salle des gardes, à l’heure du dîner du Roi, comme de coutume. Il avait ordonné qu’on n’y changeât rien, jusqu’au moment où son Grand Aumônier prescrirait l’administration des derniers sacremens.

Tous les discours qu’il a proférés se trouvent partout, ce qui fait que je ne vous les répéterai point. Les dernières paroles du Roi furent celles-ci : « Je voudrais souffrir davantage !… agréez-moi dans mon repentir, ô grand Dieu ! » Le Cardinal de Rohan dit à mon oncle que le Roi avait témoigné la volonté de se réconcilier avec l’Archevêque de Paris (Cardinal de Noailles), à condition qu’il accepterait la bulle Unigenitus. On alla prévenir celui-ci que le Roi consentirait à le recevoir aussitôt qu’il aurait signé le formulaire ; mais on ne put rien obtenir de ce quasi-janséniste, à qui le Saint-Simon n’avait pas manqué d’aller porter des paroles d’encouragement pour la résistance. Comme ce Duc était l’âme damnée du Régent et des conciliabules du Palais-Royal, on augura sur-le-champ de la mauvaise direction qu’on allait donner aux affaires ecclésiastiques, immédiatement après la mort de Louis XIV. Ce grand prince n’avait pas voulu