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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pas de partialité pour le Saint-Siége et pour les Rois très-chrétiens, soit venu démontrer que les Chevaliers du Temple étaient devenus des sectaires abominables ; qu’ils avaient médité la destruction des lois, des mœurs et de la religion de l’Europe chrétienne ; qu’ils avaient comploté, pour arriver à la domination, le meurtre des Rois, la chute des trônes et la corruption des peuples ; enfin que la condamnation des templiers avait été politique, indispensable, et que leur supplice avait été juste et mérité.

Soit qu’on soutienne les doctrines philosophiques ou qu’on les combatte, on ne saurait contester qu’elles ne soient la conséquence des erreurs, le développement du système et le produit de la rébellion de Luther. Il est aussi facile de prouver que la plupart des erreurs de fait, depuis la réforme, ont été l’ouvrage des protestans ; ils ont mutilé la bible dont ils ont retranché cent-soixante-neuf chapitres qui condamnent leurs doctrines ; ils ont falsifié ceux des livres saints dont ils font usage ; Bossuet leur a prouvé qu’ils dénaturaient l’histoire ecclésiastique ; ils ont altéré l’histoire profane avec les mêmes intentions ; et je vais me borner à vous citer une de leurs supercheries les plus innocentes.

Aucun ancien manuscrit du Sire de Joinville ne porte assurément que la sage et pieuse Reine Blanche de Castille fût jalouse de sa belle-fille Marguerite de Provence, ni surtout qu’elle fit aboyer des chiens pour troubler la douceur de ses tête-à-tête avec Saint Louis. Aussi bien, est-ce une invention des protestans : c’est un trait d’imagination qui se trouvait noté sur la marge d’un manuscrit de la bibliothèque