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SOUVENIRS

déshonneur à la maison royale de France. À partir de la Reine Isabeau, c’est une famille allemande avec qui les alliances de nos princes ont toujours été funestes à la monarchie française.

Je vous puis dire ensuite à propos de cette mère du Régent, qu’elle ne vivait que de soupe à la bière et de bœuf salé, et qu’elle usait notamment d’un certain ragoût de chou fermenté qu’elle se faisait envoyer du Palatinat, et qui, chaque fois qu’elle en faisait servir devant elle, exhalait la plus mauvaise odeur dans tout le quartier du château qu’elle habitait. Elle appelait ceci du Schaucraout, et comme elle en voulait faire goûter à tous ceux qui l’allaient voir dîner, c’était à qui s’enfuirait. Elle en faisait une sorte de persécution patriotique, en y mettant la vanité la plus inconcevable. Quoiqu’elle écrivît contre ma grand’mère, elle ne lui faisait pas moins des politesses et des amitiés dont celle-ci n’était pas dupe, et c’était au point de la retenir quelquefois, à souper. C’était avec des poires tapées et des pruneaux fricassés pêle-mêle avec du lard et des oignons, c’était des salades avec des tranches de harengs crus, de poireaux crus et de pommes crues, assaisonnés à l’huile et à la moutarde ; enfin c’était des galimafrées de colimaçons, qu’elle faisait venir de Bavière, et je vous puis affirmer qu’elle avait la coutume de saupoudrer les tranches de melon qu’elle mangeait avec du tabac d’Espagne. On lui faisait aussi des confitures de panais avec du vin rouge et du miel ; et si vous étiez malade après un tel souper, elle avait de la conserve de momie, toute prête. Rien n’était plus admirablement salutaire que l’usage de