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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ces, dont elle se tira, du reste, avec assez d’aisance et de ponctualité. Il est bon d’ajouter que cette vilaine Altesse Royale avait les pieds dans des bottines et qu’elle avait un fouet à la main. Elle était mal taillée, mal tournée, mal disposée pour toute chose et contre tout le monde. C’était une figure de pomme de locart, courte, large et colorée ; peu de nez, point de menton, les pommettes rouges, les yeux noirs et animés sans aucun air d’esprit : on a vu cette figure-là partout. Mme de Froulay demanda au Roi la permission de me nommer à Madame qui me fit un salut à la cavalière et qui se mit à me questionner sur la santé, sur l’âge et sur les projets du Grand-Prieur de Froulay, dont je n’avais encore eu ni vent ni nouvelles ; de sorte que je restai muette comme une tanche, et que Madame a soutenu jusqu’à sa mort que j’étais plus bête qu’une carpe. Elle aura peut-être pris la peine de l’écrire à ses commères et ses cousines allemandes, et ce sera toujours moins faux que tout ce qu’elle osait leur mander contre Mme de Maintenon, contre Madame la Duchesse de Bourgogne, et de plus, contre ma bonne grand’mère qu’elle a fort mal traitée dans son ignoble correspondance avec ses belles-sœurs de Hesse et de Mecklembourg. Elle aurait voulu rabaisser la maison de France au niveau de ses Comtes-Palatins. Elle ne parlait et rêvait que du Saint-Empire Germanique, où plût à Dieu qu’elle fût restée toute sa vie ! Nous en aurions eu de moins la contrariété du Régent et de sa triste progéniture ! Il est à remarquer que dans toute la postérité de cette Bavaroise, il ne s’est pas trouvé une seule personne qui n’ait fait peine ou