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SOUVENIRS

Elle éclatait en imprécations contre les Mathurins, elle envoyait son argent à des renégats qui ne rachetaient personne, et qui lui écrivaient en langue arabe, ce qu’elle prenait à chaque fois pour une nouvelle pancarte de délivrance ; enfin le Bourreau de Tunis était son commissionnaire et son fondé de pouvoir en Mauritanie, ainsi vous pouvez juger comment son argent s’y trouvait bien employé ? On a pensé qu’elle avait eu la folle idée de se faire un parti parmi les Grecs, mais, à vrai dire, on ne sait ce qu’elle avait dans la cervelle. Il y avait encore un Juif arménien qui s’était établi dans sa confiance, et qui poursuivait pour elle une autre négociation dispendieuse et difficile, attendu qu’il ne s’agissait de rien moins que d’obtenir du Sultan, du Grand-Visir et du Muphti, la cession de la Basilique de Sainte-Sophie de Constantinople en faveur de ladite Princesse Lucrèce-Angélique de Courtenay. C’était une affaire en bon train quand elle est morte ; et, disait-elle à son filleul : — Il est assez naturel que toute ma fortune y soit engagée, d’où vient que je ne vous pourrai laisser que mes papiers. Comme elle avait écrit sur son entreprise et son espérance de retraire féodalement l’église de Sainte-Sophie, à M. de Nointel, Ambassadeur de France à la Porte, celui-ci ne manqua pas d’en écrire à Versailles, et le Roi Louis XIV fit conseiller à son neveu de la faire interdire ; mais Charles-Roger répondit qu’il ne s’en mêlerait en aucune sorte, et qu’il ne l’empêcherait jamais de faire avec son argent tout ce qu’elle voudrait. M. le, Chancelier le fit inviter à passer chez lui pour se concerter là-dessus. Charles-Roger se