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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

— Souvenez-vous que la reine Jeanne d’Albret, dont le grand-père n’était qu’un gentilhomme, était sur le point de faire pendre…

— N’achevez pas, Monseigneur ! n’achevez pas ! je n’écouterai jamais le récit d’un pareil outrage, fût-ce de la bouche de mon père !

— Mais s’il en est ainsi, reprit le vieillard, vous ne consentirez donc point à diffamer nos armes, et vous n’accepteriez pas l’ordre du Saint-Esprit, passé l’âge de quatorze ans ?…

— Jamais ! jamais !

— Monsieur, répliqua vigoureusement son père en se mettant sur son séant, c’est une résolution qui vous fait honneur, et, du reste, elle est heureuse pour vous ; car, ajouta-t-il en tirant un pistolet de dessous son linceul, si je vous avais vu faiblir, j’allais vous faire sauter la cervelle, et nous aurions vu si le petit-fils de Jeanne d’Albret m’aurait fait pendre !… Dans tous les cas, c’est vous qui en auriez eu la conscience chargée, car on n’est pas moins en obligation de veiller à la conduite de ses héritiers qu’à l’honneur de ses devanciers.

Il vous faut dire que le vieux Courtenay n’était pas plus malade que je ne le suis à présent, et qu’il a vécu douze ou quinze ans peut-être, après cette parade grégeoise, toujours dans son castel de Cézy, avec ses courtines du Bas-Empire et ses brodequins bourguignons.

Mme de Bauffremont et son frère avaient eu jadis une tante de Courtenay que je n’ai pas connue, mais dont les étrangetés sont restées dans la mémoire