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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

l’air de croire que ce pouvait être une demoiselle en soutane. — Téméraire et malheureux ignorant ! lui avait dit ce bon prélat, ne savez-vous point que ce serait un sacrilège ? et d’où vient, s’il vous plaît, que vous me prendriez pour un pervers et un débauché ? … Cartouche appliqua sur la figure de son camarade un furieux coup de poing (l’abbé disait un coup de coude) qui le fit tomber à la renverse. — Voilà pour t’apprendre à manquer de respect à Nosseigneurs du clergé ! dit-il en rugissant de colère. Et voyez donc ce porc endiablé qui va s’attaquer au Cardinal de Bourges ! Ne sais-tu point qu’il ne veut pas recevoir ses dîmes quand ses censitaires ont été grêlés ? poursuivit Cartouche en écumant de rage, et lui donnant d’horribles coups de pied dans le ventre !

Je puis vous assurer que la France d’autrefois était bien autrement intéressante et divertissante à observer que celle de ce temps-ci, car on y trouvait du moins des originaux, des originales et des originalités en exposition continuelle, et je puis dire que j’en étais entourée, d’originaux ! D’abord la Duchesse de la Ferté, ma tante, était sans contredit, la plus sérieusement extravagante et la plus curieuse personne qu’on puisse imaginer. Mme de Stahl en a parlé dans ses mémoires, mais elle ne pouvait pas connaître assez bien Mme de la Ferté, qui était Duchesse jusqu’au bout des ongles, et qui, par conséquent, la tenait toujours à distance, sans aucune intention personnelle ou malveillante, mais tout simplement parce que ce n’était que Mlle Delaunay. Mme de Stahl avait un talent d’ob-