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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

me dit le Maréchal, au plus près possible de mon oreille, et tout frémissant d’appréhension. Ma grand’mère en était restée confondue !… — Allons, me dis-je, il n’y faut plus songer ; la naissance de ce Duc du Maine est un mystère que je n’éclaircirai jamais, n’y pensons plus.

Mme la Duchesse du Maine n’était pas précisément folle et n’était pas complètement bossue, mais elle avait dans la taille ainsi que dans le jugement ce qu’on pourrait appeler un tour d’épaule. Elle était ce jour-là mal ajustée pour son âge, au moyen d’un habit treillissé de feuilles de vigne en velours noir sur un fond d’or, avec des profusions de perles d’or, en collier, en bracelets, en ceinture, en agrafes et sur ses cheveux.

Le reste de la compagnie n’était composé que du vieux Dangeau et de Mmes de Noailles, de Montchevreuil et de Caylus, qui ne paraissaient pas jeunes et joyeuses, il s’en fallait de beaucoup. On entendit sonner une cloche ; Mme de Maintenon se leva, elle nous fit une profonde révérence et nous la suivîmes à l’église où l’on allait donner le salut. Je remarquai, chemin faisant, qu’elle était noblement et modestement vêtue d’une belle étoffe à dessins nattés de couleur feuille morte et d’argent. Elle était coiffée de cornettes, et sa mantille était d’une seule barbe en point, doublée de violet. Madame la Duchesse du Maine et Mme de Maintenon se faisaient une politesse à toutes les portes, où celle-ci passait toujours la première, après un léger simulacre de refus ou d’hésitation qui n’excédait jamais un quart de seconde. Il était impossible de se