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SOUVENIRS

premiers, ils ne manquent jamais d’en apprendre les langues, tandis qu’ils n’estiment et n’apprennent point les dialectes qui se trouvent derrière eux. Ainsi l’on voit que la plupart des nobles russes savent parler toutes les langues de l’Europe, y compris la polonaise, tandis que les gentilshommes polonais parlent tous les dialectes européens, à l’exception du moscovite qui est à leur septentrion. En Allemagne, on n’apprend pas plus le polonais que le russe, mais il n’est pas un Allemand bien né qui ne sache le français, l’italien, l’espagnol et quelquefois même l’anglais, tandis qu’il n’est rien de si rare que de trouver un Espagnol ou un Italien qui se soit donné la peine d’apprendre la langue française et surtout l’anglaise. Mesdames de Maintenon, de Lafayette, de Sévigné, de Montausier, de Villars et de Caylus, peuvent être considérées comme les modèles de la parfaite éducation suivant l’ancienne méthode : elles ne savaient assurément pas un mot d’allemand ni d’anglais, mais elles n’avaient pas manqué d’apprendre l’espagnol et l’italien, et même de les bien apprendre, ainsi qu’il appert de leurs œuvres[1].

Milord Georges parlait l’espagnol et l’italien tout aussi bien que le français, c’est-à-dire en perfection. Il venait s’asseoir sur un pliant derrière le mien, car une demoiselle de mon temps ne s’installait jamais sur une chaise à dossier, et sur un fau-

  1. Je voudrais qu’il en fût ainsi de mes nièces du Châtelet et de Lauzun, qui mâchent de l’allemand et qui sifflent de l’anglais que personne ne saurait comprendre.
    (Note de l’Aut.)