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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

moires de Saint-Simon a fini par devenir un des conseillers les plus intimes de M. le Régent, ce qui dénote au moins une grande souplesse de caractère. Mme de Bassompierre, sa petite-fille et son unique héritière, a vendu au Roi Louis XV le manuscrit de ses mémoires. Ils appartiennent aux archives des affaires étrangères, et l’on dit qu’ils sont écrits dans un esprit si déloyal et si outrageant qu’il ne sera jamais possible de les publier en entier. Ce Duc de Saint-Simon, dont la postérité se trouve éteinte, était né, je crois bien, sous le règne de Louis XIII ou peu s’en fallait ; et comme il n’est mort qu’en 1755, il a eu le temps de forger bien des calomnies et d’écrire bien des mensonges.

Jean-Baptiste Rousseau, qui avait la figure d’un Silène et la tournure d’un vigneron, venait aussi quelquefois dîner à l’hôtel de Breteuil, et non pas souper, ce qui n’aurait pas été de convenance. On était transporté de ses odes, et mon oncle l’avait pensionné de 600 livres que nos cousins lui faisaient payer en Flandres, après son exil et son procès, dans lequel Saurin s’était conduit avec la dernière indignité. Voltaire a dit, je ne sais pourquoi, dans son épitre à Mme du Châtelet :

 
« Ce vil Rufus, que votre illustre père
» Avait tiré du sein de la misère,
» Et que j’ai vu, serpent envenimé,
» Mordre le sein qui l’avait ranimé. »

Si Voltaire a pu voir ceci, c’est à lui tout seul, car ce malheureux poète lyrique, que j’ai toujours cru fort injustement condamné, écrivit encore de