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SOUVENIRS

était alors âgé d’environ 45 ans, mais on n’aurait jamais supposé qu’il en eût plus de 36. C’était un grand et bel homme de cinq pieds huit pouces, de la plus régulière et la plus agréable figure, avec l’air doux et fin. Il avait une physionomie candide et gaie surtout. Il avait été l’homme du monde le mieux fait, et bien qu’il eût pris l’habitude de marcher voûté, il y avait encore dans sa démarche et tous ses mouvemens une grâce noble et décente ; enfin toute sa personne était d’une aménité courtoise et tout-à-fait particulière. Je vous puis assurer que Fontenelle était la bienfaisance et la charité même ; il donnait tous les ans pour les pauvres, au curé de sa paroisse, environ le quart de son revenu, et je n’ai jamais compris qu’on ait pu l’accuser d’égoïsme et d’insensibilité. Il a conté devant moi cette ridicule histoire des asperges à l’huile ; mais c’était comme venant d’arriver à je ne sais quel docteur de Sorbonne, et c’est quarante ou cinquante ans après que Voltaire a eu la perfidie de la reproduire comme si Fontenelle en avait été le héros. — Comment peut-on vous accuser de manquer de sensibilité, mon cher et bon Fontenelle ? lui disait un jour ma tante. — C’est parce que je n’en suis pas mort encore, répondait-il en souriant. Il avait la plus grande confiance et la plus tendre estime pour les fraises. Il avait eu régulièrement toute sa vie la fièvre au printemps. — Si je puis arriver jusqu’à

    neveu de Pierre Corneille et le parent éloigné de Mademoiselle de Scudéry.

    (Note de l’Auteur.)