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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

J’ai su depuis que ma tante en agissait de la sorte avec moi pour ne pas discréditer dans mon esprit une foule de prescriptions utiles et de sages recommandations qu’on trouve dans ce même livre. Il y a tel protocole ou telle formule d’égards qui a fait honneur à ma parfaite éducation et qui ne s’était imprimé dans mon esprit que moyennant la lecture de la Civilité puérile et honnête. Toujours est-il qu’ayant vécu jusqu’à dix-neuf ans si loin du monde, ayant épousé un homme qui ne pouvait la faire présenter à la cour, et se tenant toujours chez elle, ma tante de Breteuil avait acquis au plus souverain degré la pratique et la théorie de la politesse avec l’usage du plus grand monde ; et c’était depuis la forme d’un placet au Roi jusqu’à la différente manière de prononcer le Monseigneur pour un Évêque ou pour un Prince du sang. Elle s’attachait à me prouver que chaque lieu commun de la politesse avait toujours un motif agréable pour les autres, un but raisonnable en lui-même, ou tout au moins une origine historique et respectable. Au reste, elle avait une manière de professer tout-à-fait exempte de futilité, de prétentions pédagogiques et de pédanterie ; c’était sa façon, et voilà pourquoi je l’écoutais avec confiance et plaisir. J’ai vécu soixante et quinze ans de plus que cette excellente et sage personne, et je n’ai jamais eu rien à réformer sur tout ce qu’elle m’avait appris.

Il y a pour les enfans bien nés, et surtout pour les garçons, des habitudes de famille que rien ne saurait remplacer. — Donnez votre place à Monsieur. — Allez baiser la main de votre tante. —