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SOUVENIRS

et de prévision que la mère de vos poulets ? Est-ce que vos poules ont eu besoin que vous ayez aperçu le milan pour s’inquiéter et s’agiter sur leur couvée ?… La puissance du regard, si ce n’est la justesse de la comparaison, produisait un effet magnétique ; et son mari lui répondait avec un air de résignation : — Allez, Madame, allez vous établir dans une auberge auprès du collège de la Flèche, parce que vous avez rêvé que votre fils allait avoir des convulsions. Pour cette fois-là, ma tante avait deviné bien juste, et nous la vîmes revenir huit à dix jours après avec son second fils, qu’elle avait arraché du collège et des portes de la mort en lui faisant avaler des flots de suc de laitue, ce dont personne ne s’était encore avisé contre les convulsions. Le petit cousin dont je vous parle était le père du Baron de Breteuil, lequel est aujourd’hui Ministre de la maison du Roi. Vous ne sauriez ignorer qu’il a marié sa fille unique au Comte de Goyon-Matignon, ce dont il n’est provenu qu’une fille qui vient d’épouser le fils aîné du Duc de Montmorency. Si nous avions le malheur de vous perdre, ce serait Mme de Montmorency qui deviendrait ma principale héritière, et c’est une sorte de profit que je ne lui désire en aucune façon[1] !

  1. Le petit-fils et le fils de l’auteur étaient morts avant le Baron de Breteuil, grand père de Madame la duchesse de Montmorency, laquelle a recueilli l’héritage de Madame de Créquy, en 1833, époque de la mort de Madame de Matignon, sa mère.
    (Note de l’Éditeur.)