Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

néanmoins des imperfections singulières. C’était d’abord une espèce de culte de latrie sans pratiques et sans dévotion pour les volontés de son mari, qui consistait à faire obéir scrupuleusement ses enfans et ses domestiques à toutes les ordonnances du Baron de Breteuil, lesquelles étaient toujours contradictoires et le plus souvent inexécutables. C’était ensuite un orgueil maternel établi principalement sur ce que ses enfans avaient l’avantage d’appartenir à notre maison, honneur dont elle ne songeait aucunement à se faire la moindre part, non plus qu’à tirer le moindre parti de vanité pour son propre compte, ayant épousé tous les Tonnellier possibles en prenant le nom de son mari. — Comment voudrait-on, me disait-elle un jour, que je ne fusse pas restée bienveillante et reconnaissante pour M. de Breteuil, qui m’a préservée de la guimpe en m’empêchant de sécher d’ennui derrière les grilles d’un cloître ? C’est à lui que je dois le bonheur d’être mère. Il a parfois des volontés singulières et j’en conviens ; mais il est de mon devoir de m’y conformer sans murmurer et d’y faire obéir les autres autant que je le puis. Ma très bonne et bien aimable tante avait en outre une croyance superstitieuse à certains pressentimens ; et quand ces pressentimens avaient ses enfans pour objet, et qu’on entreprenait de la contrarier dans les résolutions qui s’ensuivaient, cette femme, ordinairement si paisible et si soumise, lançait alors un coup d’œil à son mari, comme un éclair de détermination despotique, en lui disant : — Pensez-vous donc, Monsieur, que la mère de vos enfans ne puisse pas avoir autant d’instinct naturel