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SOUVENIRS

Ce que je vous dirai du Commandeur de Breteuil, et de l’Évêque de Rennes, grand-maître de l’Oratoire et de la chapelle royale, c’est que ce dernier était une véritable linotte mitrée. L’autre avait dans l’humeur une habitude de tristesse mâle et profonde. Il était sobre de paroles, indulgent pour ses domestiques, et d’une sévérité prodigieuse à l’égard de son aumônier. Il était pour sa famille et pour ses amis comme une espèce d’énigme, et lorsqu’il sortait à pied de l’hôtel de Breteuil, enveloppé dans sa cape et la tête couverte de sa carapousse, on s’y mettait aux fenêtres pour le voir passer en le suivant des yeux, et puis chacun se regardait avec un air de curiosité craintive et sombre. Je n’ai jamais su comment expliquer la singulière impression qu’il nous faisait éprouver. Le Commandeur avait une cassette remplie de papiers qu’il adressa le 18 avril 1714 au Roi Louis XIV. Il accompagna le valet de chambre qui la portait jusqu’à Versailles, il revint tout seul à Paris et fut trouvé mort dans son lit, le 20 avril suivant. Il avait brûlé la veille une grande quantité de lettres, ainsi qu’un portrait de Monsieur, frère du Roi, dont on trouva les débris dans l’âtre de sa cheminée.

On avait déjà supposé bien des choses à l’époque de la mort de Madame, Henriette d’Angleterre. On parla beaucoup de la mort du Commandeur de Breteuil et des dispositions qui l’avaient précédée, mais

    enfant de leur mère a très-bien fait de ne pas venir à bon terme, attendu que M. du Châtelet ne l’aurait pas reconnu.

    (Note de l’Auteur.)