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Ces Mores mécréants, ces maudits Sarrasins
Buvaient l’eau de nos puits, et mangeaient nos raisins
Et nos figues et nos grenades,
Suivaient dans les vallons les vierges à l’œil noir,
Et leur pariaient d’amour, à la lune, le soir,
Et leur faisaient des sérénades.

Pour eux leurs grands yeux noirs, pour eux leurs beaux seins bruns.
Pour eux leurs longs baisers, leur bouche aux doux parfums,
Pour eux leur belle joue ovale ;
Et quand elles pleuraient, criant : « Fils des démons ! »
Il les mettaient en croupe, et, par-dessus les monts,
Ils faisaient sauter leur cavale.

« Malheur aux mécréants ! Malheur aux circoncis !
« Malheur ! » dit Charlemagne, en fronçant ses sourcils
Blancs et jetant des étincelles.
« Sire, disait Turpin, ne souffrez pas ainsi
Qu’un Africain maudit vienne croquer ici
A votre barbe vos pucelles. »

Charlemagne, Roland, Renaud de Montauban,
Sont à cheval ; le gros Turpin, en titubant
Sur sa selle, les accompagne :
Ils ont touché les os de saint Rocamadour ;
Mais du Canigou blanc aux saules de l’Adour,
Les Mores ont fui vers l’Espagne.

Non, ils sont sur les monts, menaçant à leur tour ;
Ils coiffent chaque pic, comme une ronde tour,
De leur bannière blanche et bleue ;
Hérissent le granit des crêtes du rempart,
Et crient : « Chiens, ne mordez l’oreille au léopard,
Du lion n’épluchez la queue ! »

Et Roland rugissait, et des vautours géants,
Des troupeaux d’aigles bruns volaient en rond, béants,