moins suspectes à la conscience des économistes. Mais, néanmoins, le premier recueil avait fait son chemin ; une jeunesse curieuse, affamée de promesses et de nouveautés, en avait rapidement enlevé tous les exemplaires ; et peut-être ce premier levain déposé dans les jeunes intelligences a-t-il contribué, plus qu’on ne le croirait, à décider le mouvement favorable de l’opinion publique.
Je reviens à Napol le Pyrénéen et à son œuvre complète de cent
vingt vers. Peut-être se récriera-t-on contre le soin pieux qui nous fait
recueillir cette pièce isolée d’un poëte qui, véritablement, a montré trop
peu de courage, ou peut-être trop de modestie. Nous répondrons qu’en
littérature, tout ce qui vient à sa date a sa valeur. Un poëte qui, en 1 833,
se plaçait du premier coup entre les Odes et ballades et les Orientales, et
qui, du premier coup, manifestait, en les exagérant au gré de quelquesuns, les qualités, tant recherchées alors, du pittoresque, de la couleur
de l’image vivante et voyante, ne saurait être détaché du groupe dans
lequel il a figuré. En lisant cette pièce d’une exécution magistrale, la
parenté d’idées et d’intentions du pojte avec l’auteur des Orientales est
évidente. Il y a de l’ode à Grenade dans les premières strophes ; la suite
rappelle la Balaille perdue. Les images riches et correctes sont frappantes de vérité. Ce n’c.^t plus un pays deviné, rêvé, recréé pour ainsi
dire par l’imagination puissant ; ; d’un poëte grand magicien, mais un
pays vu, compris et admirablement rendu en quelques coups d’un
savant pinceau : la vermeille Orléans, Limoges aux trois svelles clochers, YAveyron murmuranl entre des pelouses pleines de parfums, les
grèves pensives du Rescoud, le Tarn fauve et fuyant, la Garonne aux
longs flots, aux eaux convulsives où nagent des navires bruns et des (lots
verdoyants, parleront à l’œil de quiconque a suivi le même itinéraire.
Tout le reste de la pièce écrit d’un mouvement rapide, comme la
course du voyageur ou comme le galop des chevaux de Muça-elKebir, étincelle de vives couleurs et de traits brillants qui sautent
à l’œil. C’est : Toulouse, jetée comme une perle au miheu des fleurs ;
les blancs chevaux a la crinière argentée, dont le pied grêle a des poils
noirs comme des plumes d’aigle ; c’est encore Fénclon, le cygne aux
chants divins.
Qui nageait aux sources d’Homère !
c’est enfin, à la dernière strophe, les armées passant par Roncevaux
— soldats, canons, tambours, chevaux, chants tonnant dans l’espace, elr.. —
Voilà bien l’art de 1833 ; l’art d’enchâsser savamment l’image dais le