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RACINE


1639 — 1699



Le génie dramatique de Racine est désormais à l’abri de toute discussion. Personne, à l’avenir, ne touchera plus qu’en les révérant à des œuvres élevées et pures, délicates et tendres, profondes, passionnées, idéales, comme Britannicus et Andromaque, Iphigénie, Phèdre, Mithridate, Bérénice, Esther et Athalie. Aux yeux de qui sait lire les poètes, c’est-à-dire les sentir et les juger, la douceur, la pureté, la tendresse, ne sont si admirables chez le glorieux disciple de Port-Royal que parce qu’elles accompagnent m la grandeur, l’étendue, la force ; divine harmonie qui se résume en deux mots, la majesté gracieuse ! Ceux qui ont tant persifflé jadis les Achille et les Hippolyte doivent reconnaître maintenant que leurs amoureux sataniques et leurs capitans ravagés ne sont guère plus vivants que les langoureux subtils de la tragédie classique. Théramène lui-même, ce confident si honni par de naïfs parodistes, nous semble aujourd’hui moins suranné que ces confidents masqués du drame moderne qu’on pourrait baptiser tous ensemble d’un même mot générique : Therameno Therameni. Les ignorants seuls peuvent contester encore la souple richesse d’une versification harmonieuse qui ne manque jamais, quand il le faut, de césures imprévues, d’enjambements heureux, ni d’énergiques rejets, ni de frappants contrastes. Au centre du xviie siècle, et tout à fait au bout d’une des plus vastes perspectives de l’histoire littéraire, le monument immortel du poëte s’élève lumineux et triomphant. Si, comme toutes les œuvres humaines, il s’est dépouillé en vieillissant des beautés factices qui le décoraient dans sa nouveauté, il n’a du moins rien perdu de sa noble ordonnance, de son ensemble magnifique, de son caractère