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DÉSAUGIERS


1772 — 1827



On a souvent dit que Désaugiers était le plus gai do nos chansonniers. Aujourd’hui encore, ceux qui regardent Béranger comme un poêle morose, considèrent son devancier comme l’unique et le dernier représentant, en ce siècle, de cette belle humeur épanouie qu’on est convenu d’appeler la vieille gaieté française. N’y a-t-il rien d’exagéré dans cette opinion ? Désaugiers est-il réellement plus gai à relire ou à chanter que son glorieux successeur ? Ce qui est certain, c’est que la gaieté, si elle ne fut pas toujours sa muse, fut du moins la fée de son berceau, et l’inséparable compagne do sa vie. L’ami de Laujon naquit, pour ainsi dire, dans une volière ; tout le monde chantait à Fréjus, dans la maison paternelle, et du matin au soir le jeune Tonin, comme on le nommait, n’avait qu’à laisser tinter ses oreilles pour trouver naturellement sur ses lèvres les plus joyeux refrains. Doué d’une physionomie heureuse, il avait plu tout d’abord à l’évèque de Verdun, M. de Villeneuve, un de ses compatriotes, qui lui jeta fort sérieusement une soutane sur les épaules. Après six semaines de séminaire, le petit abbé en révolte déboutonna lestement sa robe noire pour la jeter aux orties. Le voilà sur le pavé de Paris, comme autrefois Boufllers sur le chemin du Roi. Il tourne sans hésiter le dos à l’Église, et s’en va tout d’un trait à la Comédie.

Sur ces entrefaites, sa sœur s’étant mariée à un créole, il quitte la France en pleine Terreur, la France héroïque et funèbre, et, muni de sa gaieté qui frissonnait à Paris, il accompagne le jeune couple à Saint-Domingue. Là, peut-être, il lui sera permis de se divertir et de s’ébattre