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LEMERCIER


1771 — 1840



Népomucène Lemercier fut un enfant sublime. A l’âge de seize ans, il était applaudi au théâtre par la reine Marie-Antoinette ; à l’âge de vingt-cinq, il avait les suffrages du public tout entier. Génie surabondant et incomplet, coureur infatigable d’aventures littéraires, novateur en ébullition perpétuelle, il fut sous le Directoire et le Consulat une espèce de Lemierre agrandi, qui marqua vigoureusement sa trace au débouché de toutes les avenues qui mènent du xviiie au xixe siècle. Quoique très-attaché à la tradition classique, il poursuivit en tout sens l’inconnu et le nouveau, tantôt avec une inquiétude nerveuse, tantôt avec une décision clairvoyante et virile. « Le génie fait sa langue, » disait-il, et les épigraphes de ses œuvres prouvent qu’il ne craignait ni les difficultés ni les injustices : Me raris juvat auribus placere… incedo per ignés !

De ses innombrables tentatives qui le firent plus souvent siffler qu’applaudir, il ne reste aujourd’hui que deux pièces de théâtre et deux poèmes : Agamemnon et Pinto, les Métamorphoses et la Panhypocrisiade ; mais la plupart de nos illustres contemporains arriveront certainement avec moins de titres devant la postérité. Lemercier n’a jamais douté du jugement de l’avenir. Il y comptait comme sur une récompense méritée, car ce conquérant n’ignorait aucune de ses conquêtes. Vers la fin de sa carrière, il se mêla sans doute quelque amertume à ses espérances de gloire durable. Ceux qui, profitant de ses efforts, avaient tout à coup élargi son domaine, il les regardait comme des usurpateurs, au lieu de les avouer pour héritiers. Si l’auteur à 1 Agamemnon et de Pinto entendait dire que les romantiques étaient ses enfants : « Oui, répliquait-il avec malice, des enfants trouvés ! » Oubliant