C’est un bonheur pour la gloire d’Amault qu’il ait vécu dans un temps de révolution, qu’il ait été deux fois exilé, et ensuite persécuté non plus dans sa personne, mais dans ses ouvrages, ce qui, pour un poëte, est le plus cruel genre de persécution. Ce supplice, la seconde Restauration l’infligea à Arnault.
Né à Paris, avec les dispositions les plus heureuses pour les lettres
et le plus vif désir d’être écrivain, Arnault eut le bonheur de rencontrer,
aux portes de la vie, des visages souriants et protecteurs, des gracieusetés d’accueil dont le reflet est resté dans son premier ouvrage, la
Promenade à Montreuil. De ces sourires, le plus doux fut celui de la
comtesse de Provence, femme du futur roi Louis XVIII. Cette princesse avait voulu faire du poëte de vingt ans le secrétaire de son cabinet,
puis, se laissant tout à fait prendre aux charmes de son talent naissant,
elle lui avait donné une pension. La pension ne fut jamais payée, il est
vrai, le comte de Provence ayant refusé de la ratifier ; mais Arnault
n’en acquitta pas moins sa dette de reconnaissance, et la Promenade à
Montreuil célébra en prose et en vers la bienfaisance de la comtesse, dont
les jardins favoris avaient déjà eu l’honneur d’être chantés par Delille :
Les Grâces en riant dessinèrent Montreuil.
Arnault, dans un aveuglement d’ambition louable, se crut alors destine
à succéder à Voltaire sur la scène tragique, comme Racine avait succédé à Corneille. Son début fut heureux. Le succès immérité de Marins
à Minturnes n’était pas fait pour ouvrir les yeux au jeune poëte. Les
événements, les malheurs et les disgrâces s’en chargèrent par la suite.
La royale famille des Bourbons rendit ainsi deux services éminents au