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ANDRIEUX


1759 — 1833



La littérature de l’empire est aujourd’hui classée parmi les antiques ; elle est reléguée, à bon droit ou à tort, dans les musées avec les modes du temps, avec les tailles courtes et les turbans ; pour beaucoup do médisants contemporains, sa gravité d’emprunt ne résiste même pas à l’examen.

La raison de ce discrédit est facile à concevoir : la littérature de l’empire est, de l’aveu de tous, une littérature de pastiche et de transition ; elle est en souffrance et comme étourdie par le bruit qui se fait à côté d’elle, et elle se résigne à être la partie inerte et sacrifiée d’une époque d’action, le.revers effacé d’une médaille glorieuse. C’est une littérature honnête et consciencieuse qui a plus de mémoire que d’inspiration, plus de patience que de génie.

En ce temps de grâce, on parle encore grec, voire même latin, mais pour presque tous les poètes, l’antiquité est moins un culte qu’une superstition. Quant aux modèles étrangers dont on commence à sentir le besoin, on n’en est encore qu’à une contrefaçon. On tient peu à leur conserver leur taille et leur physionomie ; on rapetisse le géant ; on vernit Shakspeare comme on a monnayé Molière ; on corrige Corneille, et tout cela sans grandeur comme sans autorité, avec des minuties scrupuleuses, avec des chicanes de participes qui sentent l’huile et le pédant. C’est, en un mot, le règne des petites audaces de grammaire, des mesquineries épistolaires, des coquetteries du bout de papier, le triomphe de la romance sentimentale et des camaraderies perfides de l’épigramme. Somme toute, ce siècle admire peu, crée encore moins, malgré ses prétentions ; il est médiocre dans tous les genres ; il n’a ni le scepticisme railleur de son aîné, ni l’enthousiasme chercheur de son