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BERTIN


1752-1790



L’amitié littéraire m’a toujours paru une chose charmante. J’aime les frères d’armes dans les lettres, et dans le ciel poétique les constellations de Gémeaux. Bertin, sous Louis XVI, fut à Parny ce que Bachaumont avait été à Chapelle, et La Fare à Chaulieu. L’auteur des Amours, d’ailleurs, n’a jamais renié sa fraternité littéraire ; il en était fier et heureux, il la célébrait en prose et en vers. Jamais une pensée d’envie ne se glissa dans son esprit, si tendrement docile aux nobles émulations. Il savait très-bien que Parny était son Chaulieu et son Chapelle, et c’est pour cela qu’il écrivait pour son illustre ami le Voyage en Bourgogne sur le modèle du Voyage en France ; c’est pour cela qu’il lui proposait d’aller fêter ensemble la Saint-Chaulieu au château d’Anet. Comme La Fare, il avait étudié et traduit Ovide, Virgile, Tibulle et Properce. On l’a surnommé le Properce français, en réservant à Parny le surnom de Tibulle. Les Dussault et les Tissot n’ont pas manqué d’établir des parallèles académiques entre les deux amis-poëtes de l’Ile-Bourbon. Je ne reprendrai pas à leur suite ce vain amusement de rhétorique. Tissot a cruellement sacrifié Bertin qui, de notre temps, a souvent été placé au-dessus de Parny. Laissons à son rang, sans le mépriser le moins du monde, l’amant d’Eucharis et de Catilie ; je ne crois pas que, dans les sentiments de la critique actuelle, il reste fort au-dessous du chantre d’Éléonore.

La vie d’Antoine Bertin n’offre rien de très-saillant. Il a peint lui-même son enfance, bercée dans la pourpre et le satin.

Cent esclaves choisis entouraient ma jeunesse.
Je croissais jeune roi de ces rives fécondes.