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RULHIÈRES


1735 — 1791



Dans son discours de réception à l’Académie française, Rulhières, après avoir noblement Caractérisé le grand mouvement d’esprit du xviiie siècle, qu’il appelle sans hésiter la Révolution de 1749, remarque avec une profonde justesse que c’est précisément cette Révolution qui a créé dans notre histoire une chose nouvelle, et dans notre langue un mot nouveau : la dignité de l’homme de lettres. Cette belle conquête de tout un siècle, il aurait eu lui-même le droit de la revendiquer comme sa conquête personnelle : car nul ne sut porter en ce temps-là sa noblesse d’intelligence avec tant de fierté. Je sais que l’auteur des Révolutions de Russie était né gentilhomme ; mais son nom de Rulhières était en réalité bien moins aristocratique que son prénom de Carloman.

Fils d’un inspecteur de gendarmerie, et venu au monde, non pas dans un château, mais parmi les villageois de Bondy, le jeune Carloman ne semblait pas plus destiné que Rivarol à l’existence des grands seigneurs. Son étoile voulut qu’il fût élevé par les jésuites, au collège de Louis-le-Grand. Ce fut dans cette maison qu’il se lia avec le futur gendre du maréchal de Richelieu, le comte d’Egmont, et beaucoup d’autres jeunes gens dont les familles avaient rang à la cour. L’amitié d’un de ses professeurs, le P. Latour, lui donna de plus la protection du baron de Breteuil, ambassadeur de France en Russie. Grâce à cet illustre patronage, Rulhières courut l’Europe à vingt-cinq ans, et revint de Saint-Pétersbourg, l’imagination toute frémissante des événements