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PASSERAT


1534 — 1602



Jean Passerat ne fut pas seulement un gentil poëte, un spirituel auteur d’épigrammes et de chansons, l’un des plus dignes aïeux de La Fontaine et de Voltaire ; il fut l’un des savants les plus distingués de son temps, un érudit sincère, un philologue passionné. Il fut plus encore ; il fut un honnête homme dans l’acception la plus élevée du mot, un patriote dévoué, une âme qui s’indignait facilement au contact de l’injustice et des hypocrisies. S’il ne fut pas le premier à concevoir l’idée de cette immortelle revanche nationale qu’on appelle la Satire Ménippée, il en fut un des plus ardents improvisateurs, le plus hardi peut-être, et à coup sûr le plus jovial, le plus alerte et le plus inventif. Sans lui, un élément eût manqué à cet inimitable pamphlet, le premier des pamphlets en date et en vigueur, le père des Provinciales et des Discours de P.-L. Courier ; il y eût manqué l’élément gaulois, le sel du caustique trouvère, en un mot ce qui explique les constantes sympathies de l’esprit français pour cette verveuse et courageuse production.

Ne vous semble-t-il pas le voir ce Champenois, ce Troyen, homo emunctœ naris, comme l’a défini de Thou, cet admirateur exalté de Rabelais, ce travailleur qui avait lu jusqu’à quarante fois le théâtre de Piaule, ne le voyez-vous pas dans la maison du quai des Orfèvres, chez le conseiller Gillot, dans la chambre où fut écrite la Satire Ménippée et où se réunissaient, le soir. Le Roy, Nicolas Rapin, Pithou, Florent Chrestien ? Ces grands esprits, ces confrères en science et en loyauté, s’entendent pour dire enfin simplement et bravement la vérité à leur pays. Détestant l’ambition et les basses intrigues, avides de voir refleurir la paix, aussi violemment irrités contre les Espagnols