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MAURICE SCÈVE


.... — 1564



Après Marot, avant Ronsard, il y eut une école ou plutôt un groupe de novateurs modérés qui remplirent de leur mieux, et non sans succès, l’interrègne. Pelletier et Théodore deBèze se rattachent à cette famille ; mais le chef signalé, le maître de ces poètes plus doctes, mais non pas aussi naturels et souples que leurs devanciers, moins réguliers, moins brillants, moins abondants que leurs successeurs immédiats, ce fut lo lyonnais Maurice Scève [ou Sève). Il était issu d’une vieille race piémonlaise, et si son œuvre ne porte pas la marque de cette bonhomie naïve qui est le charme et comme le parfum des intelligences écloses aux clartés du ciel de Savoie, il ne perdit jamais dans ses vers cet accent montagnard un peu lourd qui perce dans les histoires de Claude de Seyssel, dans les romans de d’Urfé, dans les pages correctes de Vaugelas, qui engorge parfois le courant limpide où flotte, si dégagée et si pure, l’imagination de François de Sales, et qui, par endroits, alourdit même la magnifique et libre éloquence de Joseph de Maistre. Avocat dès sa première jeunesse, on le citerait, si la Muse eût mieux récompensé son eflFort, au nombre de ces poètes légistes qui ont révélé des lois éternelles pour se consoler d’être inhabiles à pénétrer les coutumes éphémères, illustre et nombreuse compagnie où furent enrégimentés, entre tant d’autres, Ovide, Boccace, Pétrarque, Arioste, Tasse, Shakespeare et notre Corneille. Mais à ces grands cœurs tourmentés d’un noble rêve la chicane devint vite odieuse : Scève fut plus accommodant, et mêla sans trop d’embarras ses deux tâches. Un peu plus tard, nous le voyons conseiller-échevin de sa ville, en même temps qu’il présidait au mouvement poétique qui, dans tout le Lyonnais, fut un moment plus vif et plus fructueux qu’en aucune autre province de

1 La date de la naissance est inconnue.