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BONAVENTURE DES PÉRIERS


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Entre Marot et Mellin nous pouvons placer toute l’école critico-poétique de François Ier ; j’entends comme talent, car, en dehors même d’écrivains de transition comme Ponthus de Thyard, Olivier de Magny, Estienne Forcadel, plusieurs autours de cette période montrèrent des élans ou cherchèrent des développements dont Marot ou Saint-Gelais ne leur avaient pas donné l’inspiration première. Nous avons déjà nommé quelques-uns des poëtes de ce temps, et tout particulièrement à propos du Blason ; dans l’impossibilité où nous sommes de les étudier tous, nous rappellerons, en en interrogeant quelques-uns, ce qu’ils ont de général comme destinée, et nous indiquerons ce qui caractérise leur physionomie.

Leur destinée c’est, je l’ai dit, de défendre la langue française, de l’élucider, de la purifier, de la rendre régulière et froide. Leur cachet, en tant que poëtes, c’est la médiocrité ; au point de vue du style, c’est un singulier mélange de musique et de mathématiques, qui rappelle que les principaux d’entre eux furent à la fois, en effet, musiciens et mathématiciens. Leur phrase poétique ne peut être définie que par ces deux mots assez rarement réunis :harmonie géométrique. Comme signe plus particulier encore j’ajouterai qu’aucun d’eux n’est uniquement un poëte, mais que tous ont dans l’intelligence une qualité qui l’emporte sur l’instinct lyrique. Ainsi l’un a passé pour poëte, mais il est plus encore un philosophe ; un autre a fait un grand nombre de vers, mais il est plutôt un mathématicien ; un troisième a le sentiment poétique, mais on est toujours tenté de voir en lui un théologien. En dehors de la poésie, ils sont des esprits élevés et remuants, souvent hardis et chaleureux ; dans l’art, ils sont clairs, corrects et froids.

Je me bornerai à étudier trois d’entre eux, les meilleurs ; ils suffiront