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JEAN MOLINET



Molinet a joué plus d’une fois sur son nom en se plaignant de n’avoir pas son moulin net ; il ne peut s’en prendre qu’à lui, si au lieu de farine il en est sorti des épluchures que le vent a dispersées. Il a voulu étonner, mais ce n’est pas là un titre à la gloire, et plus grand est le bruit produit par ces surprises, bien faciles puisqu’elles se renouvellent toujours, plus grand est le silence qui se fait ensuite. Personne peut-être n’a plus donné dans les équivoques, dans les jeux de mots insipides, dans l’abus des proverbes, dans les énumérations oiseuses, dans les répétitions interminables ; et si ses vers sont mauvais, sa prose est absurde. Il est à peine besoin de dire, ce qui n’est pas une excuse, que tous ses défauts sont volontaires ; on ne peut mettre à se tromper plus de dévouement, de travail et de bonne foi en même temps que d’orgueil. Mais ces orgies de rhétorique à outrance ne montent à la tête que de celui qui les fait ; au lieu d’inspirer l’admiration pour toutes ces niaiseries péniblement solennelles, il ne peut en recueillir que la pitié ou la moquerie. Si Molinet n’avait écrit que des pièces pieuses, on en serait quitte pour ne pas le lire, mais il est intéressant au point de vue de l’histoire. Sans même parler des huitains en vers de six pieds par lesquels il a complété ceux que Georges Chatellain avait commencés sous le titre de Recollection des choses merveilleuses advenues en notre temps, il a rempli son œuvre d’allusions contemporaines. Son ami Crétin était attaché à la cour de France, Molinet est de l’autre parti ; il est bourguignon, presque allemand. Philippe le Bon, Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne, Madame Aliéner et son frère Charles-Quint, dont il a célébré la naissance, voilà les thèmes de ce poëte lauréat, et sa pièce sur le voyage de Charles VIII en Italie fait exception dans son œuvre. Pourtant, en dehors de ces allégories officielles, il a toute une veine plaisante : la Litanie burlesque, le Calendrier, les Grâces sans vilenie, le