çais ce qu’il ne peut donner, et nous avons dû chercher, avant tout, dans nos poètes, les qualités propres au génie national. Or, elles sont assez brillantes pour que nous ayons pu encore être très-difficile dans notre choix ainsi délimité. Si la France n’a produit aucun de ces grands poètes, tels que Dante ou Shakespeare, dont les conceptions sont au nombre des chefs-d’œuvre de l’esprit humain ; si elle n’a même ni un Milton, ni un Tasse, ni un Arioste, elle a de ces grands écrivains qui, ne venant par l’invention qu’au second rang, sont au premier par l’expression. De Marot à Ronsard, de Régnier à La Fontaine, de Racine à André Chénier, de d’Aubigné à Victor Hugo, elle a produit, dans les genres les plus divers, une succession presque ininterrompue de grands artistes, de maîtres incomparables dans l’art d’écrire. Nulle nation ne peut montrer un écrin plus riche en joyaux poétiques d’un travail exquis. Toutes les époques, même les plus ingrates, ont eu un groupe d’éminents écrivains en vers qui suppléaient aux défauts de l’esprit et de la langue de leur temps par des qualités personnelles ou propres au génie national. C’est ainsi qu’en dépit de la prosodie sèche et incolore du xviiie siècle Voltaire mérite le glorieux titre de poëte, sinon par le sentiment de l’idéal, ou la beauté de la forme, au moins par l’esprit, la verve, la clarté et la vivacité de l’expression. Il était donc de toute justice de lui réserver une large place dans notre anthologie, ainsi qu’au très-petit nombre de ceux qui, à cette même époque, ont eu un style personnel.
Nous ne donnerons pas plus de développement à des explications déjà trop longues, mais nécessaires peut-être à la pleine intelligence de l’économie de ce livre. Nous avons touché les points essentiels ; sur les autres, le lecteur suppléera facilement à notre silence. Nous nous sommes déjà trop laissé entraîner par des considérations générales en dehors de notre humble cadre. Il est temps de céder la parole à celui dont elles sont le légitime domaine.