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VII
AVANT-PROPOS.

notre avis, tout à fait péremptoire. Rien de plus simple et de plus légitime que de se permettre des suppressions ou des coupures dans un morceau dont on ne retranche un fragment que pour mieux faire ressortir la valeur de l’ensemble et dont on se garde d’altérer le sens général. Mais comment, sans risquer de les rendre inintelligibles, citer isolément des scènes séparées du tout harmonieux dont elles font partie intégrante ? C’est là un droit que nous ne nous sommes pas reconnu. Cette lacune volontaire n’a d’ailleurs aucun inconvénient sérieux, puisque les seuls chefs-d’œuvre irréprochables, auxquels nous eussions emprunté nos citations, les tragédies de Corneille et de Racine et les comédies de Molière sont dans toutes les mains.

À part cette exception, nous croyons avoir rempli notre programme dans toute son étendue. Aucune recherche ne nous a coûté pour y parvenir. Partout où nous avons trouvé notre bien, nous l’avons pris. Dans les champs stériles où il n’y avait qu’à glaner, nous avons ramassé, un à un, les plus beaux épis, nous les avons vannés au besoin, pour séparer le bon grain de l’ivraie. Là où nous avons pu moissonner à pleine faucille, nous ne nous en sommes pas fait faute, et nous ne croyons pas avoir rien laissé derrière nous qui soit de la même valeur que le reste de notre récolte. Nous avons tenu à faire un livre aussi complet que possible. Nous avons voulu que le lecteur trouvât rassemblé dans notre recueil ce qu’il lui eût fallu chercher dans plus de mille volumes. Les chefs-d’œuvre les plus célèbres y figurent auprès de chefs-d’œuvre presque inconnus. Autant nous avons mesuré l’espace aux rimeurs médiocres, autant nous l’avons prodigué aux grands poètes. Marot, Ronsard, Régnier, d’Aubigné, Voltaire occupent dans ce recueil toute la place à laquelle ils ont droit[1].

C’est que les grands poètes, en effet, réunissent seuls ces deux conditions essentielles que nous avons demandées aux pièces que nous citons : le caractère poétique et le style. Il faut seulement bien s’entendre sur ces deux points. Il serait injuste et puéril de demander à l’esprit fran-

  1. Nous n’avons été limité dans notre choix que pour les contemporains. Là nous avons rencontré des convenances et des intérêts qu’il nous a fallu respecter ; ces exceptions ne portent, heureusement, que sur des œuvres célèbres qui sont dans toutes les mains et dans toutes les mémoires. Tout recueil du genre de celui-ci a bien un autre défaut, et celui-là est radical : c’est de devenir forcément incomplet le jour où il se produit quelque œuvre nouvelle qui mériterait d’y trouver place. Mais c’est là précisément notre plus vif désir et notre sincère espérance.