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VI
AVANT-PROPOS.

dispenser d’en citer quelques-uns à titre de spécimens, nous en avons réduit le nombre aux plus strictes proportions. Pour que les vers de circonstance, les madrigaux à Chloris, tout ce que l’on comprend sous cette dénomination si juste de poésie fugitive, ait droit de survivre et d’ôtre recueilli, il faut que ce soit au xvii* siècle ; Racan, Théophile, Benserade, qui les écrivent : au xviii*, Piron, Lemierre ou Voltaire.

Le lecteur s’étonnera sans doute de ne pas rencontrer parmi les citations de certains poètes des pièces mentionnées avec éloge dans la notice. La raison de ces omissions toujours volontaires est bien simple. Tel morceau qui a pu frapper nos collaborateurs par un trait saillant, ou même par un ensemble harmonieux, n’eût pas résisté à un minutieux contrôle. Un défaut grave, une tache grossière déparaient de brillantes qualités. Le ton faiblit, l’haleine a manqué au poëte, l’essor ne s’est pas soutenu jusqu’au bout. De là mille nuances dont il nous a fallu tenir compte. Nous n’avons pas hésité à user constamment, avec pleine indépendance, de la latitude que nous nous étions réservée sous ce rapport. Nous nous sommes attaché à rester fidèle à notre plan. Ce n’est pas une histoire de la poésie française que nous avons voulu faire, c’est une anthologie ; telle page, qui serait du plus haut intérêt comme monument d’une période de la langue, ou comme spécimen du goût et de l’esprit d’une époque, doit être éliminée d’un recueil où l’on n’a eu constamment en vue qu’un seul critérium : le beau dans ses diverses expressions.

Ce n’est pas à dire que nous n’ayons eu quelquefois à faire dans notre appréciation d’un morceau la part du goût et des idées de l’époque où vivait l’auteur, mais nous n’en avons été que plus exigeant sur les deux points qui constituent pour nous l’essence même de toute poésie : le caractère de l’inspiration première, et le style.

Ce n’est qu’à la condition d’être très— sévère sur le choix des poètes cités et des citations, que nous avons pu faire entrer dans ces quatre volumes tous les chefs-d’œuvre de notre poésie, et leur réserver la place qui leur appartient. Ce n’est qu’à ce prix que nous avons pu y comprendre non-seulement toutes les époques, mais encore tous les genres. Tous s’y trouvent représentés, en effet, depuis les plus élevés jusqu’aux plus humbles, depuis l’ode jusqu’à la chanson, depuis l’épopée jusqu’à l’épigramme, tous, un seul excepté : la poésie dramatique, qui tient de plus près, dans notre littérature, à l’éloquence qu’à la poésie proprement dite, et cette raison eût suffi à la rigueur pour justifier le parti que nous avons pris ; mais il y en a une autre qui est, à