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V
AVANT-PROPOS.

pour détacher quelques très-belles pages des deux poëmes de Lemercier, et c’est à peine si, dans le volumineux fatras de Delille, nous avons pu trouver quelques pièces fugitives dignes d’être citées. Nous ne donnons qu’à titre de curiosité un fragment des nombreux poèmes descriptifs qui ont fait sa gloire.

Il serait aussi aisé qu’inutile de multiplier ces exemples. Nous n’avons cité ceux qui précèdent que pour mettre dans tout son jour cette vérité banale qu’en France la médiocrité, par cela seul que ses œuvres sont plus accessibles à la foule, a souvent usurpé dans l’opinion le rang qui n’appartient qu’aux grands talents et au génie. Si nous nous sommes permis d’arrêter l’attention du lecteur sur un lieu commun aussi rebattu, c’est qu’il nous importait do démontrer que notre devoir le plus strict était de prêter tout notre concours à l’œuvre de réparation et de justice littéraire entreprise par nos collaborateurs à l’endroit d’un certain nombre de poètes.

Les limites et la nature môme de notre livre ne nous ont pas permis, à notre grand regret, d’entrer aussi avant que nous l’aurions voulu dans cette voie. Force nous a été de laisser à l’écart quelques poètes à demi célèbres, mais dont les œuvres, pleines de charmants détails sans un seul morceau complet dans l’ensemble, ne répondaient pas aux conditions essentielles d’une anthologie. Tantôt c’est un poëte correct et pâle, comme Bertaut, dont on ne sait plus qu’un refrain heureux de chanson ; tantôt ce sont des disciples de Malherbe, comme MM. de Touvant et de-Montfuron, qui ont laissé quelques strophes d’une facture accomplie, d’un ton éclatant, disséminées dans des odes imparfaites. Rien n’est plus fréquent que de rencontrer chez les poètes de l’école de la Renaissance et du siècle de Louis XIII ces membres bien venus d’un corps avorté. La loi que nous sommes faite d’éliminer de notre livre tout morceau d’un contour vague, d’un ton indécis, d’une couleur effacée, nous oblige à laisser de côté des fragments qui, dégagés de l’ensemble où ils sont perdus, enchâssés, par exemple, dans un article de Revue, y feraient une excellente figure.

Le lecteur peut être, du reste, bien persuadé que nous avons été très-sobre de ces omissions volontaires, et que nous n’avons jamais cédé sur ce point qu’à une absolue nécessité.

Est-il nécessaire d’ajouter que nous avons donné l’exclusion la plus rigoureuse à tous ces prétendus chefs-d’œuvre de salon, de boudoir et de ruelle, aussi factices, aussi éphémères que les modes littéraires dont ils sont nés, et que l’art n’a jamais avoués ? Si nous n’avons pu nous