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III
AVANT-PROPOS.

la personnalité de chacun des poëtes admis dans notre galerie.

Nous ne pousserons pas plus loin l’éloge de nos collaborateurs ; c’est une tâche délicate dont M. Sainte-Beuve s’est acquitté avec la compétence magistrale qui lui appartient ; mais nous nous croyons en droit d’affirmer qu’aucun ouvrage du même genre n’a jamais présenté un aussi complet ensemble d’études consciencieuses, pleines de recherches neuves et d’aperçus ingénieux, où la variété du talent répond à la variété des sujets, sans rompre toutefois l’unité de ces doctrines qui font la force et, disons-le hardiment, l’infaillibilité de la critique moderne.

C’est de l’esprit de ces doctrines que nous nous sommes sans cesse inspiré pour remplir la partie de la tâche que nous avons cru pouvoir plus particulièrement nous réserver : nous voulons parler du choix des poëtes admis à figurer dans notre recueil et des citations à prendre dans leurs ouvrages.

Le choix seul des poëtes offrait plus d’une difficulté. Grâce au concours actif de nos collaborateurs, nous avons pu instruire à nouveau ce grand procès, toujours revisé et toujours pendant, des réputations littéraires. Nous n’avons eu le plus souvent, disons-le, qu’à enregistrer les décisions de l’élite de la critique contemporaine, véritable magistrature littéraire dont les arrêts ont force de loi.

Nous avons été, en revanche, amené à réformer un grand nombre de ces jugements tout faits, sorte de fausse monnaie qui, en l’absence d’un contrôle suffisant, a impunément cours depuis deux siècles. Plus d’un poëte injustement déprécié a été réhabilité ; plus d’une réputation surfaite a été réduite à sa juste valeur. Les méprises ou les préventions de la critique des deux derniers siècles, les iniquités involontaires du public ont été relevées sans aucun ménagement. Il ne peut y avoir, en littérature, de prescription acquise en faveur des réputations usurpées : possession n’y vaut jamais titre.

Veut-on un double exemple de ces erreurs du public, erreurs aussi graves selon nous, que celles de la justice en matière criminelle, moins déplorables toutefois, puisqu’elles peuvent être plus aisément réparées ?

Voici un poëte du commencement de ce siècle, Népomucène Lemercier, dont les principaux ouvrages ont été de hardies tentatives pour sortir des ornières de la tradition, pour ouvrir des voies nouvelles à la poésie. Il écrit une comédie d’un style original, Pinto, qui lui donne rang après Beaumarchais, parmi les créateurs du théâtre moderne. Par